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éprouve le besoin d'une vie démocratique, d'un Etat
ordonné où les dépenses sont contrôlées, où la con-
ussion s'atténue ou disparaît. Depuis que j'ai donné
quelques indications dans mon discours de la Baule,
en France, pour marquer que les choix de la France
lieraient désormais les deux notions de démocratie et
de développement, la plupart de ces Etats ont évolué,
souvent avec courage, vers la démocratie à laquelle les
populations n'étaient pas toujours préparées. Il reste
quelques pays réfractaires, pas nombreux, mais nous
ne sommes plus à la période coloniale. Je peux déplorer
que cette situation n'ait pas assez évolué mais je ne
peux rien imposer.
Rwanda - intervention française - communauté
internationale - Nations unies : OUA
Q - Quel est le but de l'intervention française au
Rwanda ?
R - Le Rwanda n'a jamais été une colonie française
la colonisation a été allemande, belge ; mais au cours
des vingt dernières années, une évolution s'est produite
et le Rwanda francophone, a souhaité s'appuyer d'avan-
tage sur la France. En 1975, un accord militaire a été
signé entre le Rwanda et la France, comme il en existe
ailleurs avec beaucoup d'autres Etats d'Afrique noire.
L'assistance militaire, cela consiste à organiser et à for-
mer des cadres de l'armée contre des agressions étran-
gères, mais cela ne consiste pas à prendre part à ces
batailles. Les Français n'ont pas tiré une cartouche de-
puis le début de ces événements. Il y avait d'ailleurs
assez peu de militaires français au Rwanda, la valeur
d'une compagnie. Auprès de qui ? Auprès du gouver-
nement légal, reconnu par l'Organisation de l'Unité afr-
icaine, reconnu par l'Organisation des Nations unies.
C'est un pays qui avait accepté les indications de la
Baule, en particulier le multipartisme. Neuf partis poli
ques avaient été créés. J'avais suspendu l'aide de la
France à trois conditions : le respect des Droits de
homme, la négociation avec les minoritaires qui cher-
chaient à revenir par les armes, et une vie démocratique.
Nous sommes arrivés à un accord, sous les auspices
de la France.
A la suite de cet accord j'ai reçu une lettre, de l'ac-
tuel chef du Front Patriotique Rwandais, celui qui dé-
nonce la France aujourd'hui.
Fin août 1999, il m'a adressé une lettre très chaleu-
reuse de remerciements pour le rôle de la France, disant
que sans la France on n'aurait pas pu aboutir à un ac-
cord qui organisait la présence des uns et des autres
au gouvernement, celle des uns et des autres dans l'ar-
ée, un certain nombre d'institutions démocratiques et
l'absence de toute répression.
En fait, on allait vers cette situation quand, au Bu-
rundi, où se posait exactement le même type de pro-
blèmes avec les mêmes ethnies, le Président élu démo-
cratiquement, triomphalement, a été assassiné, avec
plusieurs de ses ministres.
Et puis, un peu plus tard, au Rwanda, l'avion où se
trouvaient le Président Habyarimana, signataire des ac-
cords d'Arusha, et le nouveau Président du Burundi a
été abattu.
Alors a commencé une grande peur mutuelle ; cha-
cun a eu peur d'être tué par son voisin, il n'y avait plus
aucune autorité.
Dans la région de Kigali où était présente l'adminis-
tration précédente, fondée sur l'ethnie hutue, on a mas-
sacré d'une façon abominable les tutsis. Que se passe-
t-il de l'autre côté ? Je n'en sais rien. Mais il y a eu un
déchainement irrépressible qui n'a pas de nom, un gé-
nocide, passible de la justice internationale.
Le Président, qui était plus sage que la plupart de
ses partisans, ayant disparu par assassinat, une vague
a emporté le pays. C'est bien comme cela que les cho-
ses se sont passées. Cela continue depuis ce mo-
ment-là. Le Front Patriotique Rwandais doit naturelle-
ment l'emporter. Quand il l'aura emporté, il représentera
15 % de la population ; que se passera-t-il ?
Q - L'intervention française est-elle à court terme
pour empêcher les massacres ou sera-t-elle une interven-
tion à plus long terme, en attendant que l'ordre politique
soit rétabli ?
R - C'est une intervention à court terme, en atten-
dant la relève par les Nations-unies. Nous négocions
avec M. Boutros-Ghali, pour que les délais soient rac-
courcis, pour que les forces des Nations unies arrivent
1e plus tôt possible. À ce moment là, nous retirerons
nos troupes intégralement.
Q - Pensez-vous que les Nations unies, ou l'Afrique,
devraient faire plus qu'elles ne font actuellement au
Rwanda ?
R - Je pense que l'Organisation de l'Unité africaine
aurait pu intervenir plus tôt et massivement, alors que
seules de maigres troupes, des Sénégalais surtout, sont
présentes.
C'est nous-mêmes, d'ailleurs, qui avions demandé,
l'intervention des Nations unies: avec l'accord
d'Arusha, la France elle-même avait demandé à dispa-
raître complètement du point de vue militaire. C'est
nous qui avons soumis cette résolution au Conseil de
sécurité.
Interventions françaises en Afrique
Q - Comment se fait-il quand les Français intervien-
nent, qu'on les attaque beaucoup moins que si cela
avait été les Britanniques ou les Américains ?
R - Nous intervenons extrêmement peu. Nous som-
mes intervenus militairement, et encore simplement
sous la forme de menaces, au Togo et au Cameroun
depuis quinze ans. Nous sommes intervenus militaire-
ment, d'une façon plus massive, au Tchad, contre les
incursions de la Libye, mais les soldats français n'ont
pas pris part aux combats. Voilà trois occasions, avec
le Rwanda aujourd'hui. Donc, c'est quand même très
peu et les Français n'ont participé à aucune guerre, ils
ont soutenu la logistique, surtout du Tchad, contre la
Libye. Ce sont les exemples les plus évidents.
Avenir de l'Afrique - représentation à l'ONU
Q - Vous avez une longue expérience de l'Afrique,
qui remonte aux années cinquante : partagez-vous le
pessimisme du monde au sujet du continent africain ?
Cet afro-pessimisme, dont on parle maintenant ?