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Comme d'autres partenaires européens de la France, la Belgique devait faire savoir quel concours logistique elle est éventuellement disposée à apporter à l'intervention française au Rwanda, au cours d'une nouvelle réunion de l'Union de l'Europe occidentale (UEO), mardi 21 juin à Bruxelles. Alors que sa diplomatie est mobilisée par la candidature de Jean-Luc Dehaene à la succession de Jacques Delors, l'affaire rwandaise embarrasse Bruxelles.
D'une part, le royaume ne peut pas rester à l'écart de la recherche d'une solution dans un pays où il a joué un rôle historique depuis 1923, année où la Société des nations lui confia un mandat sur les possessions allemandes qu'il avait conquises en 1916. D'autre part, il a quelques raisons de se méfier des initiatives d'une France très active dans la région depuis les indépendances de l'ancien Congo belge, du Burundi et du pays des « mille collines ».
Si l'intérêt économique du Zaïre est évident, celui du Burundi et du Rwanda l'est moins. On a tendance à penser à Bruxelles que le soutien actif de Paris au régime contesté de Juvénal Habyarimana s'expliquait en partie par le souci de consolider la francophonie aux confins de l'Afrique orientale anglophone.
Terre d'accueil du FPR
Si les Hutus furent de « bons élèves » de la francophonie africaine, certains, parmi les Tutsis, paraissent avoir plus d'affinités avec l'Ouganda et la Tanzanie. Souvent conduite par des Flamands, la diplomatie belge est évidemment moins portée que Paris à entrer dans ces considérations.
Alors que la France semblait fermer les yeux sur les activités extrémistes d'une partie de l'entourage hutu du président Habyarimana, la Belgique était une des terres d'asile des Tutsis. Bruxelles est le siège de la « représentation européenne » du Front patriotique rwandais (FPR). Membre du « bureau politique » du Front, le Dr Jacques Bihozagara, installé en Belgique, ne fait plus dans la nuance : « Nous considérons que la France est disqualifiée [pour intervenir au Rwanda], a-t-il déclaré lundi 20 juin au quotidien le Soir, car nous disposons d'éléments d'information suivant lesquels elle a participé à l'attentat contre l'avion du président. »
La Belgique, qui a vite et clairement démenti être en possession de preuves sur une telle accusation, pourra-t-elle continuer à abriter M. Bihozagara sans irriter Paris ? « Le FPR a participé à l'élaboration de l'accord d'Arusha [visant à rétablir la paix au Rwanda], c'est à ce titre que nous sommes en contact avec lui », se borne-t-on à déclarer au ministère belge des affaires étrangères.
« Nous refusons aussi l'intervention d'anciennes colonies françaises trop liées à Paris, comme le Togo, par exemple », a ajouté M. Bihozagara dans sa déclaration au Soir. Cette méfiance à l'égard du pré carré français en Afrique noire est partagée par une partie de la classe politique, notamment en Flandre. La défense des droits de l'homme lui donne de solides arguments. A cet égard, la prudence de la Belgique à l'égard de l'initiative française s'explique aussi par la crainte de voir le maréchal Mobutu en profiter pour se refaire une virginité. Dans la mesure où l'opération militaire a une base dans son pays, l'homme fort du Zaïre peut apparaître à nouveau comme un interlocuteur fréquentable. Déçus par l'échec d'Etienne Tshisekedi, leur poulain au poste de premier ministre, certains Belges ne semblent pas disposés à frayer avec M. Mobutu, même pour des raisons humanitaires.