Fiche du document numéro 1475

Num
1475
Date
Mercredi 18 mai 1994
Amj
Auteur
Fichier
Taille
162450
Pages
2
Sur titre
Surmontant les réticences américaines
Titre
Le Conseil de sécurité de l'ONU préconise le déploiement de 5 500 « casques bleus » au Rwanda
Sous titre
Le Conseil de sécurité a adopté à l'unanimité, dans la nuit du lundi 16 au mardi 17 mai, une résolution autorisant le déploiement de cinq mille cinq cents casques bleus au Rwanda. Dans un premier temps, cinq cents soldats ghanéens seront immédiatement déployés sur l'aéroport de Kigali. Cent soixante-quinze observateurs militaires de l'ONU, évacués du Rwanda le 21 avril, y seront aussi renvoyés sans délai. Dans le cadre de cette mission humanitaire , les casques bleus ne sont pas autorisés à utiliser la force pour mettre fin aux combats dans ce pays où deux cent mille personnes ont déjà perdu la vie.
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
De notre correspondante.

Madeleine Albright aura passé une très mauvaise journée, lundi 16 mai.
Se trouvant dans la position peu enviable d'expliquer à ses collègues,
membres du Conseil de sécurité, le refus de son gouvernement d'autoriser
le déploiement de cinq mille cinq cents « casques bleus » au Rwanda,
l'ambassadeur américain a préféré céder sa place au premier rang autour
de la table du Conseil à un de ses adjoints et s'est assise au troisième
rang, « parmi les attachés de presse ».

S'attendant à la mise aux voix d'une résolution rédigée vendredi dernier
et autorisant l'envoi de troupes au Rwanda, les membres du Conseil se
disaient « choqués » par le refus américain. Ainsi l'adjoint de Mme
Albright a-t-il subi les « attaques » des membres du Conseil. Tard dans
la nuit de lundi à mardi, l'ambassadeur américain a finalement annoncé
que son gouvernement serait prêt à autoriser « en principe » le
déploiement des cinq mille cinq cents soldats. L'ambassadeur insistait
toutefois sur le fait que le « concept » de cette opération onusienne,
qualifiée d'« humanitaire », devrait être défini par le secrétaire
général de l'ONU, Boutros Boutros-Ghali.

Les diplomates entamèrent, à nouveau, la rédaction d'un texte. Les
journalistes, eux, avaient déjà écrit leur copie, expliquant dans des
termes virulents, le « refus » américain d'aider le peuple souffrant du
Rwanda. A propos du revirement de Washington, un diplomate américain
s'est donné énormément de mal pour expliquer la position de son
gouvernement : « Cela ne sert à rien de voter un texte si nous n'avons
ni les ressources humaines ni les équipements pour l'appliquer. Il faut
prendre une décision responsable ayant au moins un semblant de réalisme.
 »

Se trouvant complètement isolés au sein du Conseil, les Américains ont
cédé et voté la résolution. Leur argument reste pourtant valable. Car,
pour l'instant, malgré les appels répétés de M. Boutros-Ghali, l'ONU n'a
reçu aucune « offre ferme » des pays contributeurs de troupes. La
différence d'opinion entre les Etats-Unis et le secrétaire général sur
les régions où devraient être déployées les troupes, pose toujours un
sérieux problème. Washington veut déployer les « casques bleus » à la
frontière du pays en créant des « zones humanitaires sûres » pour
protéger les réfugiés, tandis que le secrétariat ainsi que plusieurs
membres du Conseil, y compris la France, souhaitent les déployer dans
Kigali où les combats sont très intenses.

Embargo sur les armes



« La vérité, a expliqué un diplomate après le vote, est que les
Etats-Unis se trouvent de nouveau obligés de financer plus de 30 % de
cette opération qui sera extrêmement coûteuse.
 » Il revient donc à M.
Boutros-Ghali non seulement de trouver les troupes mais également de
faire un rapport « dès que possible » sur « a coopération des parties,
les progrès accomplis en vue d'un cessez-le-feu, les ressources
disponibles et la durée du mandat envisagé
 », afin et cette phrase reste
très vague « que le Conseil puisse examiner la question plus avant ».
La première partie de la résolution 917 définissant le mandat de la
mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda (MINUAR) n'étant
pas du ressort du chapitre 7 de la Charte, elle n'autorise pas les « casques bleus » à imposer la paix aux belligérants. Ils sont seulement
autorisés à utiliser la force dans « l'exercice de la légitime défense ». Les « casques bleus » de la MINUAR ont pour mandat de « contribuer à
la sécurité et à la protection des personnes déplacées, des réfugiés et
des civils en danger
 ». Ils doivent aussi « assurer la sécurité et
l'appui de la distribution des secours et des opérations d'assistance
humanitaire
 ».

En dépit des protestations « virulentes » de l'ambassadeur du Rwanda, la
deuxième partie de la résolution, adoptée dans le cadre du chapitre 7,
impose un embargo strict sur les armes à l'encontre du pays. Le Zaïre et
l'Ouganda sont soupçonnés de fournir des armes aux belligérants. A la
demande du Rwanda, cette partie de la résolution a été votée séparément
et adoptée par quatorze voix favorables contre celle du Rwanda. Prenant
la parole lors de la réunion formelle, l'ambassadeur français,
Jean-Bernard Mérimée, a souligné le caractère non seulement humanitaire
mais politique de l'opération de l'ONU. Selon lui, la MINUAR devrait
contribuer à la reprise du dialogue entre les parties.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024