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LUTTE contre le choléra et celle pour le retour des réfugiés rwandais passés de l'autre côté de la frontière zaïroise forment-elles un seul et même combat ? C'est la question que nous avons posée au Dr Frédérique Maraudon, de Médecins sans frontières, qui était hier lundi à Nairobi (Kenya), d'où MSF coordonne ses actions. Réponse : « Vous savez, je me trouve actuellement dans une arrière-base et ne dispose donc pas des dernières informations. La seule chose que je peux vous garantir est qu'hier au moins 2.000 personnes sont rentrées de Goma vers le Rwanda. Dans la seule journée de dimanche. »
Quel comportement ont les forces armées zaïroises ? On dit qu'elles ont parfois entravé le retour des réfugiés…
Il est certain qu'à un moment la frontière a été fermée du côté zaïrois. Et que ceux qui voulaient rentrer ont été bloqués. Aujourd'hui, à ma connaissance, la frontière est ouverte. Mais, encore une fois, je ne peux vous donner d'estimation concernant l'effectif des réfugiés qui en ont profité. Je n'ai pas reçu d'informations en provenance de Goma et d'ici je ne pourrais hasarder que des hypothèses.
Une autre question se pose : tout le monde appelle au retour, mais si celui-ci se confirme, ne risque-t-il pas de se transformer en vecteur de contamination ?
Les gens accumulés à Goma connaissent un risque énorme d'avoir contracté le choléra. Même ceux d'entre eux qui ne sont pas physiquement malades peuvent effectivement diffuser la maladie. Au Zaïre, au Rwanda, ou ailleurs. S'ils rentrent au pays, cela fera néanmoins une énorme différence. Simplement par le fait que nous n'aurons plus à affronter une telle quantité de personnes suraccumulées dans un seul et même endroit.
Une épidémie de choléra peut être jugulée plus rapidement dans un tel cas de figure que lorsque un million de personnes, et peut-être plus, s'entassent dans un seul endroit. Les problèmes d'hygiène et d'assainissement ne se posent plus dans les mêmes termes. Ne serait-ce que du fait qu'il y aurait alors beaucoup plus de litres d'eau disponibles par personne. Pour permettre une alimentation et une hygiène plus correctes et adaptées aux besoins. Il faut qu'il y ait le moins de monde possible en contact simultané avec le vibrion cholérique. Si la foule énorme des réfugiés s'éclate en une pluralité de petits groupes, les dangers de contamination seront moindres, l'épidémie se ralentira. Les cadavres sont porteurs du vibrion cholérique ; plus il y a de gens soumis à la maladie qui s'accumulent en un seul endroit, plus il y aura diffusion du vibrion cholérique… Oui, l'accès aux soins suppose en préalable que cette foule se disperse, que le retour chez soi devienne réalité.
Propos recueillis par
JEAN CHATAIN