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NEW-YORK (Nations unies)
de nos envoyés spéciaux
« Nous souhaitons qu'une commission d'enquête soit présente sur le terrain le plus rapidement possible » et la France entend que « les auteurs des massacres au Rwanda assument la responsabilité de leurs actes devant la communauté international ». Edouard Balladur n'ignorait pas, en venant devant le Conseil de sécurité, qu'il aurait fort à faire pour dissiper le grave doute qui pèse sur la France, soupçonnée de porter une part de responsabilité dans les massacres pour avoir armé et soutenu le régime qui mit sur pied les milices hutues.
Aussi M. Balladur s'est-il attaché à réaffirmer que la France voulait pleinement participer à la mise en oeuvre de la résolution 935, votée il y a dix jours ; celle-ci a établi une commission chargée de rechercher les auteurs de crimes de guerre et de recommander les moyens de les poursuivre. « La France a été coauteur de cette résolution », a rappelé le premier ministre français et « elle tiendra à la disposition de la commission toutes les informations qu'elle aura pu recueillir ».
C'est à l'ONU qu'il appartiendra ensuite d'imaginer les procédures et d'envisager les juridictions pour un éventuel jugement des coupables. En réponse à une question de la presse, M. Balladur a affirmé que la France n'hébergeait aucun d'entre eux. « Nous n'avons recueilli aucune de ces personnes en France », a-t-il dit. Ce n'est pas l'opinion du représentant du Front patriotique rwandais à l'ONU, Claude Dusaidi, qui a déclaré au Monde que l'armée française avait assuré le transfert en France de certains des chefs de milices ou « responsables d'escadrons de la mort » début avril (M. Dusaidi a cité les noms de Portais Zigiranyiraza et Séraphin Rwabukumba). M. Balladur a aussi catégoriquement démenti les informations de certaines organisations de défense des droits de l'homme, qui accusent des militaires français d'avoir participé à l'entraînement des milices. « Il n'y a aucune vérité dans ces allégations », a-t-il affirmé.
Créée à l'initiative de l'Espagne, la commission d'enquête s'est installée à Genève et vient d'effectuer une première mission au Rwanda. Elle doit remettre son rapport dans quatre mois. Il y a de fortes chances pour que ses travaux ne dépassent jamais le stade de la dénonciation rhétorique. Pour l'heure, personne ne semble pressé d'arrêter les coupables. Quand on demande pourquoi les hommes de la MINUAR ou de l'opération « Turquoise » n'arrêteraient pas certains des chefs de milices hutues, la réponse est toujours la même : « Pour les remettre à qui, à quelle autorité ? Pour les emmener où, à l'ONU, à New-York, à Paris ? »