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KIGALI, 27 mai, Reuter - Une bouteille de champagne vide traîne dans la
cour de la résidence de feu le président rwandais Juvénal Habyarimana,
victime le 6 avril d'un attentat qui a mis à feu et à sang son pays.
Les rebelles du Front patriotique du Rwanda (FPR) ont pillé le bar du
président et sa garde-robe. Mais sa maison renferme toujours les objets
de famille, documents et bibelots divers accumulés pendant ses 17
années de règne sans partage, jusqu'à l'introduction en 1990 d'un
multipartisme timide.
Son avion a été descendu par une roquette alors qu'il amorçait sa
descente sur Kigali, capitale de cette ancienne colonie belge d'Afrique
centrale agitée périodiquement par des troubles ethniques depuis
l'indépendance.
L'épave a fini sa course dans la propriété même du président.
Les hommes du FPR qui se sont rendus jeudi sur le point d'impact, au
sud-est de l'aéroport, avec des officiers de l'Onu, ont ironisé sur le
fait qu'Habyarimana ait trouvé la mort si près de son domicile.
Le chef de l'Etat a péri en compagnie de son homologue burundais et
d'une poignée de collaborateurs à bord de son Mystère Falcon qui, avec
trois membres d'équipage, le ramenait de pourparlers de paix en
Tanzanie.
L'identité de ceux qui ont tiré le projectile reste officiellement un
mystère.
Les forces gouvernementales ont refusé aux enquêteurs de l'Onu de se
rendre sur les lieux mais l'endroit de l'accident est désormais aux
mains du FPR, qui contrôle l'aéroport et le camp militaire de Kanombé
voisin.
L'avion en flammes s'est écrasé dans une bananeraie, a pulvérisé le mur
de la propriété d'Habyarimana avant de terminer sa course au bord d'une
mare.
L'Onu est en train de mettre sur pied une commission d'enquête.
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Manqué d'un cheveu
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Le gouvernement auto-proclamé qui a succédé à Habyarimana affirme avoir
retrouvé la boîte noire
mais se déclare trop occupé pour l'envoyer à
l'étranger à des fins d'analyse,
Pour lui, le FPR est responsable de l'attentat. Les maquisards nient.
Un siège de l'avion gît au fond de la mare à sec, près d'une résidence
de luxe de trois étages, qui appartenait comme beaucoup d'autres à
Kigali à l'ancien chef de l'Etat.
Ironie du sort - son épouse, Agathe, séjournait précisement dans cette
villa que l'avion présidentiel a raté d'un cheveu.
Depuis qu'ils ont repris le secteur, les rebelles ont partiellement
pillé la maison mais la veuve a réussi à déménager
la majeure partie
des documents officiels avant de se réfugier, au plus fort des combats,
à Paris.
Habyarimana, qui avait accédé au pouvoir en 1973 à la faveur d'un coup
d'Etat militaire sans effusion de sang, avait truffé sa résidence de
dizaines de portraits et de photos de lui-même.
Je prie Dieu qu'il accorde au peuple rwandais harmonie, prospérité et
paix
, lit-on sur une carte de voeux du Pape Jean Paul II au chef de
l'Etat datant de 1993.
Au président Habyarimana, avec toute mon estime
, lit-on sur une autre
carte, celle-la signée du secrétaire d'Etat américain Warren
Christopher et qui trône dans l'entrée.
On a retiré les corps mais une odeur persistante de cadavres en
décomposition flotte toujours dans la salle de bains, où les
domestiques et les gardes présidentiels avaient trouvé refuge au moment
de l'attaque des rebelles.
La terrasse est jonchée d'excréments humains et animaux. Un chevreau à
la tête coupée pourrit à côté de la bouteille de champagne et d'un
portrait du président en costume blanc.
Dans la chambre du président, des documents officiels marqués
secret-défense
, sont éparpillés sur la moquette épaisse avec les
cartouches de ce qui reste de la collection d'armes personnelle qui a
été pillée.
Derrière un panneau caché, on distingue un escalier menant à l'étage du
haut, dont le toit a été éventré par un obus de mortier. Une galerie de
portraits de famille orne le couloir menant à son bureau personnel.
On y voit un trophée de tête de cerf au milieu de livres pêle-mêle,
dont un traité sur les instruments de musique du Rwanda et un
exemplaire de Racines
, la saga afro-américaine d'Alex Haley.
Le grenier abrite une chapelle privée aux murs de bois sombre.
A l'arrière de la maison, un drapeau rwandais a été jeté dans une
cuvette de WC et des poissons se meurent dans un aquarium rempli de
vase.
Face à l'aquarium se trouve un tableau, grandeur nature, d'Habyarimana
à la tête transperçée de lances. /JLF
(c) Reuters Limited 1994
