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Les négociations menées à Arusha, dans le nord de la Tanzanie à la suite
du cessez-le-feu conclu au cours de l'été de 1992 avaient échoué lorsque
les maquisards du FPR avaient déclenché, le 8 février, une large
offensive contre les forces gouvernementales pour répliquer au massacre
de plus de trois cents Tutsis, en janvier, par des membres de l'ethnie
majoritaire des Hutus. Des fidèles du président Juvénal Habyarimana,
membres de l'ancien parti unique, avaient été plus particulièrement
dénoncés pour leurs exactions, non seulement contre la minorité tutsie,
parmi laquelle recrute le FPR, mais encore contre des membres de
l'opposition légale qui occupe maintenant la plupart des postes du
gouvernement de transition démocratique, dirigé par M. Dismas
Nsengiyaremye, premier ministre.
Depuis, la situation n'a cessé de se détériorer et les rebelles ont
progressé en direction de la capitale, Kigali. Près d'1 million de
Rwandais (un septième de la population) ont dû fuir les zones de combats
et beaucoup d'entre eux vivent dans des conditions dramatiques, l'aide
humanitaire étant encore insuffisamment organisée. M. Debarge nous a
déclaré avoir été notamment « choqué » par la visite, à une dizaine de
kilomètres de Kigali, d'un camp de fortune où s'entassent une centaine
de milliers de réfugiés qui ont dévasté les plantations des alentours,
celles de cannes à sucre surtout, afin d'édifier de sommaires abris. « Là se manifeste, actuellement, l'un des principaux éléments explosifs du
problème rwandais », ajoute avec inquiétude le ministre français qui
vient de plaider pour une solution politique, estimant qu'il y a « urgence ».
A Kigali, M. Debarge s'est entretenu successivement,
dimanche, avec le président Habyarimana et le premier ministre, en ayant
le souci d'essayer d'apaiser les tensions qui subsistent dans la
cohabitation des représentants de l'ancien régime et d'un gouvernement
de transition, dont les membres appartenant à l'ex-parti unique sont
désormais minoritaires. Tensions qui compliquent la recherche d'une
solution au conflit armé mais que la formation présidentielle et
l'opposition, la semaine dernière, se sont engagées, dans un communiqué
conjoint, à surmonter. « Un espoir », selon M. Debarge, qui dit avoir
tenu aux uns et aux autres « le langage de la raison avec fermeté ».
« Quelques progrès » malgré des divergences
A Kampala, lundi, le ministre a rencontré le chef de l'Etat voisin, M.
Yoweri Museweni, en qui il voit « un homme d'influence » dans cette
région de l'Afrique et donc « sur les événements au Rwanda ». Allusion
diplomatique aux récentes informations fournies par les services de
renseignement français selon lesquelles l'Ouganda apporte un soutien
important à la rébellion rwandaise (le Monde du 17 février), ce que
démentent les autorités de Kampala.
Chassés du Rwanda après que les Hutus leur eurent pris le pouvoir à
Kigali, en 1959, nombre de Tutsis qui allaient former plus tard le FPR
avaient rejoint, au milieu des années 80, la guérilla ougandaise dirigée
par M. Museweni et aidé ce dernier à s'installer à la tête de l'Etat, en
1986. Pour le moins, il reste de cette époque une sympathie prononcée
des dirigeants de l'Ouganda pour la cause du FPR. M. Debarge n'a pas
rencontré de délégation du FPR mais souligne avoir noté, malgré des
divergences persistantes, « quelques progrès » dans ses conversations
avec M. Museweni et son entourage.
Mais, après ces entretiens, le gouvernement ougandais a continué de
reprocher à la France de s'ingérer dans les affaires intérieures du
Rwanda. Il est vrai que Paris est particulièrement concerné par ce qui
se passe dans ce pays francophone. Six cents soldats français se
trouvent maintenant au Rwanda, après un récent renfort, et la France a
fourni à une armée encore largement contrôlée par le président
Habyarimana du matériel et des instructeurs. Mais M. Debarge a dit à ses
différents interlocuteurs que la présence militaire française n'avait
pas d'autre mission que de protéger les ressortissants français et
étrangers.
M. Debarge considère que, pour faciliter la reprise des négociations, le
FPR devrait revenir sur les lignes qu'il tenait avant sa dernière
offensive. Au moment de la rupture des conversations, les deux camps
discutaient de l'intégration des maquisards dans l'armée régulière, du
retour des exilés et de la durée de la période de transition politique.
Les partis représentés au gouvernement de Kigali hormis celui du
président ont clos mardi des discussions avec le FPR en prônant la
relance des négociations. Mais la formation du premier ministre n'en a
pas moins déclaré que l'entrée pacifique du FPR à Kigali était
préférable au maintien du président Habyarimana au pouvoir...