Fiche du document numéro 12809

Num
12809
Date
Jeudi 28 octobre 1993
Amj
Auteur
Fichier
Taille
85567
Pages
1
Urlorg
Titre
Que fait la France ?
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
EN octobre 1990, l'armée française intervenait au Rwanda pour protéger la dictature chancelante du président Juvenal Habyarimana. Trois ans et beaucoup de morts plus tard, le Front patriotique du Rwanda, les partis de l'opposition intérieure (en majorité hutu) et le gouvernement sont parvenus à un fragile accord, signé le 4 août dernier dans la ville tanzanienne d'Arusha, pour créer un pouvoir de transition permettant de sortir progressivement de la dictature.

Cet accord se trouve aujourd'hui menacé par le putsch confus et sanglant du 21 octobre. En effet, si une situation d'insécurité devait s'installer durablement au Burundi, il y a fort à parier que la paix d'Arusha serait remise en cause par certains éléments à Kigali, qui prendraient prétexte de la « perfidie des féodaux tutsi » pour reprendre espoir et chercher à éliminer le FPR du processus de transition démocratique dont il est un élément incontournable.

Les tragiques événements du Burundi risquent donc de déstabiliser le Rwanda voisin où la paix est un état mal assuré encore. Or, face à ce danger, Paris demeure passif et semble renvoyer la balle dans le camp des Nations unies.

Pourquoi cet activisme en 1990 au Rwanda et cette passivité trois ans plus tard au Burundi ? On peut y voir, sans trop forcer le trait, les conséquences de la désastreuse politique « humanitaire » ONU-USA en Somalie. Ce qui avait été conçu en décembre 1992 comme une intervention humanitaire a viré à partir de mai dernier en une sanglante dérive obsessionnelle lorsque rapporter la tête du général Mohamed Farah Aïdid a semblé devenir plus important que de restructurer le pays. La suffisance des « experts » de l'ONU, l'aveuglement des Américains ont abouti à une catastrophe qui risque de discréditer l'idée même « d'ingérence humanitaire ».

Les pays occidentaux les mieux intentionnés craignent désormais des dérapages auxquels les mènent leur ignorance du continent africain.

M. Balladur craint-il pour sa précieuse image tranquillisante ? Après tout, mieux vaut être prudent : quelques milliers de paysans africains se massacrant à la machette dans les collines perdues du fin fond de l'Afrique, cela n'a jamais influencé les sondages.

Historien - CNRS.

GERARD PRUNIER.
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