Fiche du document numéro 11501

Num
11501
Date
Jeudi 5 novembre 2015
Amj
Auteur
Fichier
Taille
145899
Pages
3
Urlorg
Titre
Rwanda. Politiques et militaires enfin jugés ?
Sous titre
L’association Survie porte plainte en France pour complicité de génocide. Des hauts responsables militaires et politiques français pourraient être directement concernés.
Mot-clé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
« Si nous ne pouvons pas de facto donner encore de noms, le fait est
qu’aujourd’hui, à la lumière des pièces que nous avons accumulées, nous
avons les preuves que des décisions concernant des livraisons d’armes
aux forces armées rwandaises avant et pendant le génocide des Tutsis ont
été prises en haut lieu dans l’état-major français comme à l’Élysée ;
c’est la raison pour laquelle nous avons décidé de porter plainte contre
x à pour complicité de génocide. » Pour François Cretollier, membre du
conseil d’administration de l’association Survie, cette nouvelle action
en justice est une étape cruciale dans le long et douloureux combat que
représente la recherche sur la vérité concernant une tragédie qui fit
800 000 victimes entre le 7 avril 1994 et le mois de juillet de la même
année.


Les livraisons d’armes françaises au régime prégénocidaire



Depuis lundi, le tribunal de grande instance de Paris (TGIP) a donc reçu
sur son bureau l’un des dossiers les plus complets jamais constitués
devant une juridiction nationale ou internationale concernant le
génocide perpétré au lendemain de la mort du président Habyarimana le
7 avril 1994. La plainte contre x porte sur deux principaux points :
tout d’abord sur les livraisons d’armes et de munitions françaises au
régime rwandais prégénocidaire entre janvier et avril 1994, « ce qui
constitue pour nous une complicité de génocide » explique, à l’Humanité,
François Cretollier. « Des munitions ont bien été livrées aux forces
armées rwandaises (FAR) depuis une base militaire de Châteauroux. »
Ensuite sur les livraisons d’armes et munitions au régime rwandais au
moment même où les massacres avaient commencé. « Des faits qui
constituent pour nous également une complicité de génocide. Nous avons
la preuve que, le 9 avril 1994, des munitions ont été débarquées des
premiers avions de l’opération française “Amaryllis” et remises aux FAR ».

Pour désigner coupables et responsables, tout dépend désormais de la
capacité de la justice française à bien vouloir prendre en considération
les pièces d’un dossier politiquement brûlant. « Toute la classe
politique française peut être mouillée. À l’époque nous étions en pleine
cohabitation, avec un gouvernement de droite et un président
socialiste. » Trois options se présentent maintenant. Soit le TGIP
classe l’affaire. Soit il demande une enquête préliminaire. Soit, enfin,
il ouvre directement une instruction judiciaire. « C’est évidemment ce
que nous attendons de la justice française », reprend le responsable de
Survie. Pour ce faire, l’association s’appuie sur quelques pièces à
conviction remplies de déclarations fracassantes. Comme celles d’Hubert
Védrine, alors secrétaire général de l’Élysée à l’époque des faits. Le
16 avril 2014, devant la commission Défense de l’Assemblée nationale, en
réponse à la question du député Joaquim Pueyo, « Est-ce que la France a
livré des munitions aux forces armées après le début du génocide? »,
l’ancien ministre des Affaires étrangères tient les propos suivants :
« Il y a eu livraison d’armes pour que l’armée rwandaise soit capable de
tenir le choc (…). Donc il est resté des relations d’armement, et ce
n’est pas la peine de découvrir sur un ton outragé qu’il y a eu des
livraisons qui se sont poursuivies. »

Une instruction menée par le TGIP pourrait faire office de bombe
dans le paysage politique actuel



Côté militaire, le capitaine Ancel écrit sur son blog le 4 juillet
2014 : « J’ai vu dans la deuxième quinzaine de juillet un convoi de
transport d’armes partir vers le Zaïre (actuelle RDC). La livraison ne
pouvait être faite que sur décision politique, tellement le geste était
lourd de conséquences (…). » Enfin dans le livre du chercheur et
historien Gérard Prunier, le Génocide, publié en 1999, l’association
anticoloniale extirpe un passage lourd de sens de Philippe Jehanne, un
ancien des services secrets, qui servait en mai 1994 au cabinet du
ministre de la Coopération, Michel Roussin, et qui déclare à l’auteur :
« Nous livrions bien des munitions aux FAR en passant par Goma. Mais
bien sûr, nous le démentirons si vous me citez dans la presse. » Une
instruction menée par le TGIP pourrait faire office de bombe dans le
paysage politique actuel. « Alain Juppé, alors ministre des Affaires
étrangères français, reste aujourd’hui comme beaucoup de responsables
politiques de l’époque, gauche et droite confondues, terriblement muet
sur l’affaire », relève François Cretollier.

Difficulté d’accès à des documents cruciaux en France… et ailleurs



Malgré l’engagenent du président François Hollande de favoriser la
transparence sur l’implication de la France au Rwanda, à travers
une déclassification des documents liés au dossier, nombreux parmi
eux restent encore sous le sceau du secret. Par exemple la
note de la délégation aux affaires stratégiques du 24 février 1995
(référence 109 DEF/DAS/SDQR/PC/CD), qui évoque des livraisons d’armes
pendant le génocide et qui fut citée sur Mediapart, n’est toujours pas
officiellement déclassifiée.

Par ailleurs, d’autres pays sont aussi soupçonnés d’avoir engagé
leur responsabilité dans le génocide rwandais. C’est le cas notamment
de la Chine, de l’Égypte, du Royaume-Uni du conservateur John
Major, d’Israël au temps où le travailliste Yitzak Rabin était
au pouvoir, mais aussi de l’Afrique du Sud encore sous le régime
d’apartheid de Frederik De Klerk, qui d’après l’association Survie
auraient également livré des armes aux Forces armées rwandaises avant et
pendant le génocide. Aujourd’hui, peu ou pas d’enquête diligentée dans
ces pays sur le sujet.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024