Fiche du document numéro 1056

Num
1056
Date
Lundi 27 juin 1994
Amj
Auteur
Fichier
Taille
864860
Pages
1
Titre
Dialogue difficile avec les massacreurs
Sous titre
«Les Français sont-ils venus nous aider ou nous embêter», se demandaient des hutus à Cyangugu, où l'armée française tentait de désarmer des miliciens et lever les barrages.
Tres
À Cyangugu, le colonel Rosier, commandant des forces spéciales, se refuse à désarmer les miliciens, déclarant : « Les miliciens font la guerre. Par souci de neutralité, nous n'avons pas à intervenir. Sinon, demain, s'il y a des infiltrations de rebelles, on nous fera porter le chapeau ».
Nom cité
Lieu cité
Lieu cité
Source
Commentaire
There was no "war" in the Cyangugu region. The RPF soldiers did not come there. There was only one slaughter of the Tutsi.
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Sur le terrain. l'armée française improvise, à l'état-major, elle se pose des questions. Alors que la «force de protection humanitaire» française au Rwanda est encore faible et n'opère que dans une bande de dix à vingt kilomètres le long de la frontière Zaïro-rwandaise. les patrouilles ont commencé à engager un dialogue difficile avec les miliciens hutus de l’ancien régime, accusés d'être responsables des massacres perpétrés contre la minorité tutsi.

«C'est quoi ça?», demande le capitaine français à un jeune affublé d'un crucifix en plastique fluo au cou, Kalachnikov à la main et trois grenades à la ceinture. « Donne tes armes aux militaires, les civils n'ont plus le droit de les porter.» Interloqué, sans mot dire, le jeune obéit et remet fusil et grenades à un soldat rwandais, presque aussi débraillé que lui. «Et ce tronc d'arbre?», continue le capitaine. « C’est fini. Il faut lever les barrages routiers. Nous sommes là, nous assurons la sécurité. Allez travailler, rentrez vous occuper de vos familles. Reprenez une vie normale».

En faction depuis deux mois pour combattre «l'ennemi intérieur». c'est-à-dire les partisans du FPR (Front patriotique rwandais) à majorité tutsi, les miliciens croient rêver. Aussi, les «amis français» À peine partis, ils reprennent leurs armes et remettent le tronc d'arbre au travers de la route goudronnée.

«Les barrages, c'est un vrai problème», reconnaît le colonel Jacques : Rosier. commandant du dispositif français pour le «secteur sud» qui opère depuis Bukavu, au Zaïre. «Les miliciens font la guerre. Par souci de neutralité, nous n'avons pas à intervenir, Sinon, demain s’il y a des infiltrations de rebelles, on nous fera porter le chapeau. » Alors quoi faire ? «Il faut enlever les barrages qui sont de trop surtout là où sont commises des exactions. » Sur le terrain, ce n’est pas toujours évident. surtout pour les miliciens. «Les Français sont-ils venus nous aider ou pour nous embêter ? », se demande déjà l'un d'eux, soupçonneux, à la sortie de Cyangugu.

«Pour l'instant, nous faisons du renseignement humanitaire». explique le colonel Rosier. «Nous repérons les camps de déplacés, et nous protégeons ceux qui sont menacés. » Et si les rescapés des massacres veulent être évacués hors du pays. en direction du Zaïre par exemple? Haussement d'épaule. « On est en train d'étudier la question. Hier, on a pris sur nous de mettre un Tutsi, qu'on ne voulait vraiment pas laisser, dans l'hélicoptère. Mais bien sûr, pour des centaines ou des milliers de personnes. ce n'est pas la solution. D'autant qu'il nous faudrait l'accord du Zaïre pour les accueillir. »

Trois jours après son débarquement sur le terrain. l'armée française n'a ni tous ses moyens ni des idées bien arrêtées. A l'aéroport de Bukavu. avec sa piste longue seulement de 2 000 mètres et peu d'espace de rangement, sur 600 hommes et 60 véhicules, seule la moitié est arrivée.

Les premiers blindés légers, des automitrailleuses (AML) en provenance de Bangui (Centrafrique). ne sont attendus que pour après-demain. «Et avec ça. qu'est-ce qu'on va faire?» s'interroge déjà un officier. «Pour éviter des accrochages avec les rebelles, on ne va pas en profondeur dans le pays. En attendant, dans la zone gouvernementale, ça n'a pas de sens de protéger les déplacés hutus. Alors, en logique humanitaire pure on va se retrouver à ne garder que des Tutsis, les seuls à être menacés. Ça ne va pas plaire à l'armée rwandaise et aux miliciens.»

- Stephen SMITH
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