Attention : ce document exprime l'idéologie des auteurs du génocide contre les Tutsi ou se montre tolérant à son égard.
Citation
Mgr André Perraudin ne supporte plus ces médias occidentaux qui se repaissent du sang et de la misère du tiers monde. « En dehors des situations de tension et de conflit, dit-il, l'Afrique est oubliée, Les grandes rencontres de La Communauté européenne, du Forum de Davos, du GATT, ne s'occupent que de la partie du tiers monde qui sort de la misère, C'est l'économie qui commande tout. »
Mgr Perraudin reproche aux journaux qui traitent aujourd'hui du Rwanda, d'avoir oublié l'histoire. Et l'histoire de ce pays, ce Père Blanc valaisan de 80 ans la connaît, Après deux ans passés au Burundi, il arrive au Rwanda en 1950. En 1955, il se retrouve à la tête d'un immense diocèse qui recouvre presque tout le territoire du pays (aujourd'hui, ce diocèse est remplacé par huit diocèses, tous dirigés par des évêques locaux) En 1959 il devient le premier archevêque du Rwanda.
Condamner et comprendre
Le prélat valaisan condamne vivement les massacres perpétrés ces derniers jours par des extrémistes hutus, qui ont déjà coûté la vie à plus de 20 prêtres, la plupart de l'ethnie tutsie. Mais s'il condamne, il ajoute : « Je les condamne mais j'essaie de comprendre. Ils agissent par colère et par peur. Par colère contre le meurtre de leur président, Juvénal Habyarimana le 6 avril dernier (NDLR: son avion abattu par des tirs non identifiés s'est écrasé à l'aéroport de Kigali. Le même accident a coûté la vie à 12 personnes dont le président du Burundi.) Et par peur de retomber dans l'esclavage.
Car si la presse dit aujourd'hui que ce sont les Hutus qui massacrent les Tutsis, pillent et créent le désordre, il faut se souvenir que depuis des siècles, les Tutsis estimaient avoir le droit naturel de commander et de dominer. C'était l'institution du servage, une institution d'orgueil et de domination d'une race sur l'autre. Et si je sors de mon mutisme, malgré les menaces contre ma personne, c'est tout simplement parce que je suis partisan de l'abolition de tous les esclavages (lire ci-dessous). »
Lorsqu'il arrive au Rwanda en 1950, le Père Perraudin trouve une population de 85% de Hutu asservie par 15% de Tutsis. Il explique: « C'était le servage par la vache, le Tutsi donnait une vache au Hutu qui, en contrepartie, devenait son serviteur pour la vie. Tout naturellement le colonisateur allemand puis belge, comme d'ailleurs l'Eglise, se sont appuyés sur cette minorité dominante.
Souvenirs bagnards
L'archevêque est comme ça. Malgré cinquante ans d'Afrique, il n'a pas oublié ses références bagnardes. Il se souvient avec émotion de la réception que lui a réservé son village natal du Cotterg près de Verbier, lorsqu'il a été nommé évêque. Les deux fanfares villageoise, la conservatrice et la radicale, jouaient ensemble. Une première ! Un de ses amis radicaux lui a dit « Ce n'est pas pour l'évêque qu'on joue, c'est pour André ». Lorsqu'il parle des Hutus et des Tutsis, Mgr Perraudin se souvient aussi de son val de Bagne : « Hutus et Tutsis c'est un peu les paysans de Bagne contre les citadins de Sion. Les Tutsis sont plus malins, plus dégourdis, ont une apparence plus européenne. Les Hutus paraissent moins dégourdis même s'ils obtiennent à l'école des résultats tout aussi honorables. »
Lui, l'archevêque, souligne son amour inconditionnel pour tous les habitants de son diocèse, quelque soit leur ethnie. « Les Européens, ajoute-t-il, se laissent prendre par ces apparences et l'écrasante majorité de ceux qui se sont mariés au Rwanda ont épousé des Tutsies. Mais si la minorité tutsie devait reprendre seule le pouvoir au Rwanda, comme le suggère une partie de la presse occidentale, ce serait la consécration d'un retour à une domination d'une ethnie sur l'autre.
Une légitime révolution
Ses propos contre le servage, le prêtre valaisan les tenait déjà en 1959, avant que les Hutus entament leur révolution. Hasard ? Leur leader, à l'époque, Kayibanda, était un ancien élève du grand séminaire rwandais. Le prélat valaisan qui a presque oublié son latin après un demi-siècle d'Afrique cite en langue locale l'inscription que l'on trouve aujourd'hui sur la tombe de Kayibanda : « Kubohora abana h'Imana » (Libérer les enfants de Dieu !). S'il reconnaît que dans les années 50-60, la révolte hutue fut parfois violente (des milliers de Tutsis sont tués et beaucoup s'enfuient vers les pays voisins), Mgr Perraudin estime toujours que les objectifs de cette révolution étaient légitimes: « Il fallait restituer leur légitimité aux masses populaires. »
Par la suite, tout naturellement, le pouvoir hutu qui se met en place appuie sa révolution sur ce roc valaisan qui parle ouvertement de justice. En 1961, les Hutus proclament l'indépendance de leur République que la Belgique, l'Etat de tutelle, doit reconnaître. Le pays s'organise tant bien que mal. En 1973, Juvénal Habyarimana prend le pouvoir. Petit à petit, les anciens dirigeants du pays sont éliminés alors que les Hutus du Nord, la région présidentielle, sont les nouveaux enfants chéris du pouvoir. Les Hutus se divisent, ce qui sera source de faiblesse, reconnaît l'archevêque.
En 1990, c'est la guerre. Les fils des réfugiés tutsi en Ouganda reviennent, encadrés et fortement armés par l'Ouganda. Monseigneur se demande quel marchand de canons, voir quel pays occidental a pu prêter la main à cette opération. Si cette attaque est repoussée, la guérilla tutsie devient très puissante et s'installe dans une zone frontalière, toujours avec l'appui de l'Ouganda. Le 8 février 1993, elle tente une nouvelle attaque. Il y a alors 1 million de personnes déplacées dans le pays. Ce qui conduit aux accords d'Arusha. Là, la guérilla tutsie obtient sa reconnaissance internationale puisque les Hutus acceptent l'entrée de ses représentants au gouvernement comme au parlement et le retour des réfugiés tutsis. En plus, un bataillon du Front patriotique tutsi s'installe dans la capitale pour assurer leur protection. Ce qui rappelle le « cheval de Troie ! »
Pour ne pas propager le bain de sang
Malgré ses doutes, le prêtre valaisan estime que les Hutus doivent revenir aux accords d'Arusha. Qu'il y a devoir d'ingérence des pays occidentaux ou de l'ONU pour que cessent les actions des extrémistes hutus (milices des jeunes, garde présidentielle, parti CDR, etc.), comme les représailles de la guérilla tutsie. Monseigneur le dit : « Ces regrettables massacres sont le fait d'extrémistes. Mais la grande majorité des Hutus veut la paix, comme la minorité tutsie qui représente encore 12% de la population dans l'ensemble du pays. » Il ajoute à l'adresse de ses compatriotes d'adoption : « Arrêtez, arrêtez l'escalade de l'horreur. Plus jamais de guerre entre vous, plus jamais. Réconciliez-vous. Aimez-vous les uns les autres. Par dessus tout, l'amour comme je vous l'ai si souvent répété, car c'est l'amour qui fait s'écrouler tous les murs d'inimitié. »
Roger de Diesbach